Avis de Benjamin : "Origines et natures évolutives du djihadisme"
Olivier Hanne avait déjà dirigé en 2022 un titre, paru aux Editions les influences, nommé Djihad: Un état des savoirs religieux, historiques et sociaux. En fait le mot "djihâd" un effort pour faire triompher la cause de Dieu. Ce terme de "djihâd" apparaît trente-cinq fois dans le Coran mais, pour seulement dix occurrences, il a rapport avec une situation de guerre.
Un ensemble de hadiths (propos du prophète rapportés par une chaîne de transmetteurs et mis par écrit environ un siècle après la mort de Mahomet) ont été regroupés au IXe siècle sous le chapeau de Livre du djihâd et du comportement militaire. Les juristes ont alors défini la doctrine en matière de guerre, écrivant comment traiter l’ennemi, les prisonniers, les conditions de la guerre, les accords de paix. La Sira est basée sur la plus ancienne biographie de Mahomet connue écrite au milieu du VIIIe siècle par Ibn Isahq, mais elle a été remaniée au début du IXe siècle par Ibn Hichâm. La coloration de guerre sainte, donnée au djihad, s’appuie essentiellement sur les hadiths et la Sira.
Pour la période la plus contemporaine, notre auteur écrit :
« Entre 2011 et 2024, le djihadisme est devenu un domaine fracturé, sans unité idéologique ni terreau commun. Véhicule des violences les plus visibles du monde musulman, il tend pourtant à faire oublier les autres, tout aussi graves pour les populations. Alors que l’essentiel des croyants adhèrent au djihad moral ou social, non violent, des États instrumentalisent le vocabulaire du djihad dans leur conduite de la guerre, à l’image du président turc Erdogan contre les milices kurdes, de l’Iran avec ses Basiji et ses milices implantées en Irak et en Syrie, tout comme le Hezbollah au Liban, tandis que se maintiennent tant bien que mal les deux structures concurrentes du djihadisme international que sont Al-Qaïda et Daech . Le djihadisme irano-chiite joue sur la double fibre martyriale et révolutionnaire, mais sert les intérêts géopolitiques de l’Iran. Al-Qaïda se présente comme une entité mondiale coordonnant des résistances nationales, dont la vocation est l’enracinement et la gestion des populations, quitte à passer par des négociations politiques. Daech refuse celles-ci et défend ses orientations eschatologique et califale, son hybridité permanente permise par sa stratégie glocale, jouant sur les pulsions individuelles, les exaspérations locales et la revivification de mythes historiques » (page 387).
Dans la conclusion, on relèvera :
« Les racines du djihad ne sont ni explicitement coraniques ni strictement musulmanes : la justification religieuse de la guerre a déjà une longue histoire en Orient lorsque l’islam s’élabore dans le Hedjaz. Qu’une nouvelle doctrine religieuse prétende unifier le temporel et le spirituel n’a rien d’original non plus, de même que l’octroi de promesses dans l’au-delà pour celui qui viendrait à verser son sang pour la cause de Dieu dans le martyre. Le Coran s’inspire à la fois de lointains héritages sur la guerre (guerre juste romaine, théologie chrétienne, idéologie sassanide, guerre sacrée byzantine), des guerres tribales et ouvre la porte à de nouvelles guerres "dans le sentier de Dieu", lesquelles doivent toutefois respecter certaines règles, de plus en plus codifiées » (page 391).
Olivier Hanne avance plusieurs dimensions dans le djihad, la première est martyriale, la seconde est sectaire, la troisième est dynamique et la quatrième est symbolique. Cette dernière renvoie à l’effort redoublé de nature intérieure s’appuyant sur une éthique ; on est pleinement dans une approche intellectuelle, spirituelle et même possiblement mystique.
Le plan est ainsi conçu :
Usages....................................................................................... 7
Introduction.............................................................................. 9
Chapitre premier. La guerre en Orient avant l’islam..... 15
La guerre sacrée, 15. Ambiguïtés bibliques, 18. La théocratie militaire impériale, 22. La guerre totale en Orient ?, 24. Des sectes militantes, 27. La guerre tribale, 30.
Chapitre II. La question coranique................................. 35
Approche synthétique, 36. Approche par verset, 38. Approche par la langue, 42. La racine j-h-d, 47. Des conflits de lecture, 50. Approches systémiques, 53.
Chapitre III. Mohammed et le djihad............................. 61
Des sources postérieures, 61. Mohammed à La Mecque, 66. Mohammed à Médine, 68. Le qāʾid, 75. Badr et Uhud, 78. Une nouvelle stratégie, 83. Retour à La Mecque, 88. Mohammed initie la conquête, 93.
Chapitre IV. La conquête à l’ombre du califat (632‑850).......................................................... 101
Abu Bakr mate la Ridda (632‑634), 101. Omar à la conquête de l’Orient (634‑644), 104. Othman contre Byzance (644‑656), 111. Ralentissement et déchirures, 113. Les Omeyyades, de Samarkand à Poitiers (656‑750), 115. Reflux et stabilisation (750‑850), 118.
Chapitre V. L’élaboration d’une théorie du djihad (750‑850)......................................................... 123
Le califat et ses lettrés, 124. Le djihad dans la Sunna, 127. Relire le Coran au regard des hadith, 131. La Sīra, une réinterprétation de la guerre, 135. Des traités juridico-politiques, 144. La première doctrine légale, 148.
Chapitre VI. Heurs et malheurs du djihad califal (850‑1517)............................................ 159
Un califat sous pression (850‑950), 160. Sursauts et fragmentations (950‑1100), 167. La propagande en faveur du djihad, 173. Croisades contre djihad (1100‑1250), 176. Ottomans et furūsiyya mameluke (1250‑1517), 183.
Chapitre VII. Évolution de la pensée sur le djihad....... 193
Les écoles et le djihad, 194. La siyāsa, une approche séculière de la guerre, 200. L’effet des croisades, 204. Les non-musulmans, 210. Blasphème et sacrilège, 217. Raidissements, 220. Soufisme et intériorité, 225. Pensée chiite militante, 232. Le djihad sectaire, sixième pilier de l’islam, 235.
Chapitre VIII. Le djihad moderne (1517‑1924).............. 243
Les Ottomans et le djihad, 244. À l’est : Safavides et Moghols, 249. Salafismes en armes, 253. Les djihads anticoloniaux, 257. Repenser l’islam et la guerre, 267. La Première Guerre mondiale, 272.
Chapitre IX. Du djihad au djihadisme (1924‑1989)...... 279
Le poids des contextes géopolitiques, 280. Vers l’islamisme, 287. Aux sources de la pensée radicale, 299
Le djihadisme révolutionnaire, 306. Les ruptures de 1979, 309.
Chapitre X. Al-Qaïda et le djihadisme international..... 323
Les fronts du djihadisme, 325. Al-Qaïda, 330. La « guerre contre le terrorisme », 337. Conservateurs et libéraux réinterprètent le djihad, 345.
Chapitre XI. Daech et le djihadisme de la terreur........ 355
Des révoltes à la radicalisation religieuse, 355. De nouvelles stratégies, 358. L’émergence de Daech, 365. Les spécificités sahéliennes, 376. Analyses sociologiques, 381.
Conclusion..................................................................... 391
Notes............................................................................. 399
Lexique.......................................................................... 443
Chronologie................................................................... 453
Références.................................................................... 461
Index des personnes, des dynasties et des peuples... 479
Index des lieux et des pays.......................................... 491
Table des cartes............................................................ 499
Table des illustrations et schémas.............................. 501
Pour connaisseurs Peu d'illustrations